Rédigé par Alan dans la rubrique Brigade Rac, Section Spéciale de Sabotage
Après presque cinq ans d'occupation, le drame incompréhensible du bombardement allié du 5 janvier 1945 et trois jours de combats acharnés, le 17 avril la ville de Royan est libérée. Le 2 avril la point de Grave est libérée. Deux jours plus tard, le Général de Gaulle ne manquera pas de venir visiter Royan et la point de Grave.
En fin de matinée du dimanche 22 avril, dans la plaine des Mathes, il participe à une revue militaire composée de milliers de soldats et résistants et salue cette victoire française.
D'après le récit de Guy Berger et les témoignages du Capitaine Jacques, de Carmagnat et de Charbonnier, tiré du journal de la Section Spéciale de Sabotage.
22 avril 2O2O - 75e anniversaire de la Revue des Mathes
Après presque cinq ans d'occupation, le drame incompréhensible du bombardement allié du 5 janvier 1945 et trois jours de combats acharnés, le 17 avril la ville de Royan est libérée. Le 2 avril la point de Grave est libérée. Deux jours plus tard, le Général de Gaulle ne manquera pas de venir visiter Royan et la point de Grave.
En fin de matinée du dimanche 22 avril, dans la plaine des Mathes, il participe à une revue militaire composée de milliers de soldats et résistants et salue cette victoire française.
De nombreux combattants sont décorés par de Gaulle lui-même; Deux officiers pour le 5Oe R.I. : RAC et Jacques Nancy.
Revue des Mathes
Dimanche 22 avril 1945
Aujourd'hui c'est la fête et, malgré nos morts récents, on respire en ce jour de calme, par un temps magnifique, une atmosphère de paix, de joie, de détente. C'est une de ces journées d'avant-guerre, un de ces dimanches paisibles qui vous met la joie au cœur.
La stèle des "5 journaux", route des Mathes Erigée en 1949 |
Autos, camions, motos, aussi bien civils que militaires encombrent les routes, noyant piétons et cyclistes dans une poussière dense. La route de la Tremblade semble contempler avec surprise cette ruée vers les Mathes.
Chez nous, à la 2e Compagnie (1er Bataillon), c'est Trousset et une section qui doivent prendre part à la revue. Chacun s'efforce d'être « nickel » et l'on crache sur les chaussures miteuses pour remplacer le cirage. Que d'échanges de pantalons et de vestes ! Les plus minables sont « planqués » dans les rang du milieu. Dame, on a beau être des terroristes, de modestes F.F.I., de pauvres couillons qui viennent de sacrifier un petit moment de leur jeunesse, on n'en est pas moins coquet !
La meute, enfin prête, embarque à grands cris sur les Berliet Gazo-bois (toujours eux) qui démarrent dans la poussière épaisse. Dans la traction de Jacques (Jacques Nancy), avec Edouard (René Gatisson), Pipe (Pierre Ducousso), Bouboule (Abel Maurellet), et quelques autres, nous suivons de loin.
La vue de la circulation sur la grand'route me fait penser au désert de cette contrée pendant tout l'hiver. Des civils reviennent en hâte chez eux. Que retrouveront-ils de leurs maisons ?
Chez nous, à la 2e Compagnie (1er Bataillon), c'est Trousset et une section qui doivent prendre part à la revue. Chacun s'efforce d'être « nickel » et l'on crache sur les chaussures miteuses pour remplacer le cirage. Que d'échanges de pantalons et de vestes ! Les plus minables sont « planqués » dans les rang du milieu. Dame, on a beau être des terroristes, de modestes F.F.I., de pauvres couillons qui viennent de sacrifier un petit moment de leur jeunesse, on n'en est pas moins coquet !
La meute, enfin prête, embarque à grands cris sur les Berliet Gazo-bois (toujours eux) qui démarrent dans la poussière épaisse. Dans la traction de Jacques (Jacques Nancy), avec Edouard (René Gatisson), Pipe (Pierre Ducousso), Bouboule (Abel Maurellet), et quelques autres, nous suivons de loin.
La vue de la circulation sur la grand'route me fait penser au désert de cette contrée pendant tout l'hiver. Des civils reviennent en hâte chez eux. Que retrouveront-ils de leurs maisons ?
Dans les agglomérations, les gens, heureux de revoir des soldats de chez nous, font de grands signes amicaux aux camions bondés. C'est vraiment un beau jour. L'uniforme bleu-marine de la gendarmerie qui flèche le parcours met une note sévère dans cette scène.
Le grande plaine des Mathes subit l'assaut d'innombrables voitures : tractions, Renault, camionettes, voitures américaines de grand luxe...
Les détachements des troupes qui ont pris part à l'attaque de Royan, impeccables, se rendent sur leurs emplacements pour la revue, dans le fond de la plaine, sur la gauche. C'est un alignement magnifique : calots rouges des zouaves, bleu ciel à fond jaune des Tirailleurs, bleu à fond rouge de l'artillerie et de l'infanterie.
A l'extrémité du terrain les chars attendent. Les Régiments F.F.I. mettent une note sévère dans cette débauche de couleurs, de baudriers et de gants blancs, par l'uniformité des tenues kaki et du casque qui brille au soleil.
Peu à peu tous les détachements sont arrivés ; les musiques militaires, celles du 4e Zouaves et du 5Oe R.I. hésitent, cherchent avant de trouver leur emplacement. Maintenant tout le monde attend l'arrivée du général de Gaulle. Bientôt, une immense Renault décapotée l'amène, au milieu de l'enthousiasme général, sur le terrain, où il passe l'inspection des troupes, s'arrêtant longuement devant les unités, suivi du Ministre de la Guerre qui trottine derrière lui, du général de Larminat, du général d'Anselme et d'une suite d'uniformes divers.
Le général de Gaulle remet la Légion d'Honneur au Lt.-Col. Cézard dit Rac, commandant le 5Oe R.I. |
Il vient se placer à côté d'une estrade, près de la route où sont rassemblés officiers, sous-officiers et soldats qui vont être décorés.
« Je suis, dit Guy Berger, dans le troupeau des officiers sans troupes avec Blaireau (René Rispard) et les collègues du 5Oe. Le général d'Anselme nous a, tout à l'heure, engueulés amicalement pour nous faire aligner, mais en pure perte.
Et la distribution des décorations commence : d'abord des Croix de la Libération. Le colonel Adeline en reçoit une. A côté de nous des gens, enrhumés sans doute, toussent un tantinet...
Et la distribution des décorations commence : d'abord des Croix de la Libération. Le colonel Adeline en reçoit une. A côté de nous des gens, enrhumés sans doute, toussent un tantinet...
Quant à nous, ceux de la 2e Compagnie, nous sommes vachement contents, car Jacques est sur les rangs des récipiendaires, mal à son aise et un peu intimidé entre deux huiles qui attendent leur bout de ruban. Nous le voyons qui s'agite, comme assailli par les puces. De loin, nous le mettons en boîte...
Maintenant le général de Gaulle approche de Jacques qui ne bouge plus. Je pense qu'une photo est à prendre au moment précis où il recevra sa Légion d'honneur. Muni de l'appareil de Blaireau, j'avance, mine de rien, devant les A.F.A.T.S. (Auxiliaires féminines de l'armée de terre), puis devant les huiles, à quelques mètres de Jacques. Pourvu que je ne me fasse pas sortir ! Tout le monde a un air solennel, de circonstance, j'ai l'impression d'être un jeune chien dans un jeu de quilles. Mais quelles quilles !
Maintenant le général de Gaulle approche de Jacques qui ne bouge plus. Je pense qu'une photo est à prendre au moment précis où il recevra sa Légion d'honneur. Muni de l'appareil de Blaireau, j'avance, mine de rien, devant les A.F.A.T.S. (Auxiliaires féminines de l'armée de terre), puis devant les huiles, à quelques mètres de Jacques. Pourvu que je ne me fasse pas sortir ! Tout le monde a un air solennel, de circonstance, j'ai l'impression d'être un jeune chien dans un jeu de quilles. Mais quelles quilles !
Voilà de Gaulle devant Jacques : quelques mots en épinglant sa croix. Ce n'est pas le moment de s'amuser : un genou à terre, comme je l'ai vu faire aux reporters, et je les prends tous les deux, juste après l'accolade ; et je déguerpis. Jacques est tout rouge. Il doit être bougrement ému ! »
Là-bas les troupes présentent toujours les armes. Médailles militaires et Croix de Guerre s'alignent sur les uniformes kaki. Enfin c'est fini et de Gaulle regagne l'estrade pour le défilé des troupes.
Le général de Gaulle remet la Légion d'Honneur au Capitaine Jacques chef de la S.S.S. / 2e Compagnie du 5O R.I. |
Il semble de mauvais poil envers les photographies qui se font virer. Ils abusent un peu, il est vrai...
La musique du 4e Zouaves scande la marche des détachements de l'Armée d'Afrique qui passent d'abord, tous de couleurs éclatantes, impeccables sous l'habillement américain : zouaves, tirailleurs, nègres des bataillons de marche du Tchad avancent de leur allure souple et dansante ; puis les fusiliers-marins leurs traditionnelles guêtres blanches ; des artilleurs et un détachement américain (qu'ils sont dégingandés ces amerlochs !) L'armée régulière est passé ; la musique du Regiment Rac s'avance a son tour, impressionnante, derrière le chef Bourbon qui jongle avec sa canne. Un bataillon du 5Oe défile en ordre parfait conduit par le commandant Plassard. Bien sûr ils n'ont pas tant de « gueule » que les autres : les casques sont un peu bosselés ; les coudes ne doivent pas être regardés de trop près, non plus que les fonds de pantelons. Voici la 2e compagnie, accolée à la 1er : l'Aspi (Georges Trousset) et Froissard (Pierre Froissard de l'AS Roland Canva) l'emmènent rondement. Décamètre est plus grand que jamais à côté d'Henri le F.M. (Henri Nivelle) et de Marcou (Marc Marquet). Un « tête gauche » énergique devant l'estrade... ils sont passés ! Voici le 1O7e en casque anglais, le 6e, le 158e et le groupement Fauconnier.
La musique du 4e Zouaves scande la marche des détachements de l'Armée d'Afrique qui passent d'abord, tous de couleurs éclatantes, impeccables sous l'habillement américain : zouaves, tirailleurs, nègres des bataillons de marche du Tchad avancent de leur allure souple et dansante ; puis les fusiliers-marins leurs traditionnelles guêtres blanches ; des artilleurs et un détachement américain (qu'ils sont dégingandés ces amerlochs !) L'armée régulière est passé ; la musique du Regiment Rac s'avance a son tour, impressionnante, derrière le chef Bourbon qui jongle avec sa canne. Un bataillon du 5Oe défile en ordre parfait conduit par le commandant Plassard. Bien sûr ils n'ont pas tant de « gueule » que les autres : les casques sont un peu bosselés ; les coudes ne doivent pas être regardés de trop près, non plus que les fonds de pantelons. Voici la 2e compagnie, accolée à la 1er : l'Aspi (Georges Trousset) et Froissard (Pierre Froissard de l'AS Roland Canva) l'emmènent rondement. Décamètre est plus grand que jamais à côté d'Henri le F.M. (Henri Nivelle) et de Marcou (Marc Marquet). Un « tête gauche » énergique devant l'estrade... ils sont passés ! Voici le 1O7e en casque anglais, le 6e, le 158e et le groupement Fauconnier.
Le général de Gaulle devant la S.S.S. de Jacques Nancy |
Une section d'A.F.A.T., un peu raides, passe très vite, et l'artillerie et les chars terminent le défilé.
Maintenant, tous autour de Jacques, nous le félicitons ; nous sommes très contents et lui, l'« animal », veut à toute force enlever sa croix. Bougre, il l'a bien gagnée et peut la porter. Nous parlons de la tenue et de l'allure des troupes qui viennent de passer. Nous sommes tous d'accord sur le fait que nos « types » ont bien défilé, quoique n'appartenant pas à cette armée régulière de laquelle on parait vouloir nous écarter.
La vaste plaine est noyée de monde ; beaucoup de militaires, beaucoup de civils. C'est un peu l'aspect d'un champ de courses après une grande réunion hippique. Nous suivons le flot interminable des voitures qui louvoient dans la poussière dense... »
Le général de Gaulle devant une unité américaine (13e brigade d'artillerie) On reconnait sur la photo : Le général d'Anselme, l'amiral Rue, le lieutenant colonel Franchi |
Au verso de la photo :
Aux Mathes, au cours de la revue, le Général de Gaulle et sa suite passent devant le drapeau d'une Unité Américaine qui a participé aux combats de Royan, Pointe de Grave. France-Presse 22.4.45