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Andrée Gros-Duruisseau - résistante et déportée : Témoignage

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Rédigé par Alan dans la rubrique Section Spéciale de SabotageDocument et livre

Née en 1925 à Garat (Charente), Andrée Gros-Duruisseau fut élève à l'école communale de Bouëx, au coeur de la Charente, à quelques kilomètres d'Angoulême et à proximité de la ligne de démarcation. Jusqu'en juin 194O, Bouëx est un petit village paisible où tout le monde se connait. A la fin de la guerre, Les Forêts, le nom de la ferme de la famille Duruisseau, près de Bouëx, symbolise un lieu parmi d'autres de résistance en Charente.

Ci-dessous est le témoignage d'Andrée Gros-Duruisseau tiré du site internet (lien) du Musée de la Résistance et de la Déportation à Angoulême (fermé en 2OO9). En octobre 2O14 le musée rouvre ces portes au public sous le nouveau nom d'Espace Mémoriel de la Résistance et de la Déportation (lien).

A la déclaration de guerre :

Andrée Duruisseau
J’avais 14 ans, je vivais chez mes parents au village des « Forêts », dans la commune de Bouëx. Mes parents étaient agriculteurs, entrepreneurs de battages et de labours. Mon frère (de 15 ans mon aîné) habitait avec nous, ainsi que sa femme et sa fillette, il était employé à la fonderie de Ruelle. Quant-à ma soeur (mon aîné de 12 ans), habitait la gendarmerie de Brigueuil. Scolarisée, je prenais régulièrement des cours particuliers dirigés par Madame CHABASSE à Bouëx.  A la déclaration de guerre, je fus très frappée par les avis de mobilisation que le garde champêtre affichait sur les murs de notre petit village. Les habitants se rassemblaient et parlaient avec inquiétude de la possibilité d’une guerre. Ils évoquaient les souvenirs de la Grande Guerre qui me semblaient très lointains. Je pensais à la longue liste des morts sur le monument de la commune devant lequel, chaque 11 novembre nous déposions des bouquets de fleurs en chantant la Marseillaise. J’étais trop jeune pour avoir un jugement personnel sur la situation mais j’étais très triste et j’avais peur, car mon frère allait partir à la guerre. De plus, nous avions peu d’informations, les voisins venaient écouter la 
T.S.F. chez mes parents. L’avance de l’armée allemande en France me terrorisait, je n’acceptais pas l’éventualité d’une défaite française. C’était pourtant la débâcle. Des troupes françaises avec leur Etat Major stationnèrent à la ferme. Notre maison fut réquisitionnée pendant environ 48H. Ces militaires partaient en direction du Sud, ils étaient très fatigués et ne répondaient pas à nos questions. Pour moi, l’Armistice représentait la fin de la guerre mais, dans une situation très pénible puisque les Allemands arrivaient en Charente.

Puis, se fut l’arrivée de PETAIN. Dans un premier temps, dû au manque d’informations objectives (celles-ci étant censurées par les Allemands), nos voisins, en particulier les Anciens Combattants de la guerre 14-18, s’attachèrent aux paroles du Maréchal PETAIN comme à une bouée de sauvetage. Mon père n’y croyait pas et se disputait souvent avec un des voisins dont le souvenir de Verdun le disposait à une confiance inconditionnelle pour le Maréchal couvert de gloire. J’étais trop jeune pour porter un jugement  personnel à ce drame. L’aura du Maréchal avait une influence certaine sur une population accablée. Nous n’avons pas entendu l’appel De GAULLE car, à cette période, nous n’écoutions pas les émissions de radio Londres, mais nous avons su qu’un officier nommé De GAULLE réfugié en Angleterre, continuait le combat. Nous nous sommes attachés à cet espoir ; plus tard, nous avons réussi à capter radio Londres, c’était un réconfort inespéré. Dès la connaissance de l’appel du Gl. De GAULLE, sans en connaître exactement les termes, j’ai su que nous n’étions plus abandonnés et que des moyens existaient pour faire partir les Allemands.

La vie quotidienne changea radicalement. Les Allemands patrouillaient sur toutes les routes de la commune. Ils s’imposaient dans les maisons en demandant du ravitaillement, parfois se servaient. Il fallait camoufler les produits de la ferme. Les réquisitions d’animaux étaient fréquentes, surtout lorsque le Maire collaborait avec l’occupant. Nous n’avions pas d’essence pour la voiture, cachée dans une grange. Des bons d’essence nous étaient distribués très parcimonieusement par la mairie pour les besoins du tracteur. Il fallait avoir recours à la ruse pour dissimuler et soustraire le plus possible de produits pour en disposer personnellement et ne faire profiter que la famille et les amis. Certains producteurs pratiquaient le marché noir, ce qui provoqua la méfiance chez les agriculteurs redoutant les dénonciations. Nous devions nous conformer aux lois allemandes avec toutes les contraintes qu’elles nous imposaient. Dès que nous apprenions un arrivage ou une distribution de ravitaillement dans un magasin, je partais en vélo munie des tickets de la famille pour de longues heures dans une file d’attente, souvent sans rapporter la moindre nourriture.

A l’école, le chant du Maréchal était obligatoire. On demandait aux élèves d’écrire au Maréchal avec la promesse d’une réponse. Je fus très choquée par la disparition du drapeau français, remplacé par la Croix gammée et les couleurs allemandes. Toutes les valeurs qui m’avaient été inculquées étaient anéanties. Les Allemands défilaient fièrement dans nos rues, au pas cadencé en chantant à pleine voix.

La résistance :

Le terme « résistance » n’existait pas encore. Mon refus fut spontané, refus de me soumettre aux lois imposées par les occupants que nous appelions « les Boches », refus d’accepter les humiliations quotidiennes, refus d’accepter la croix gammée et les couleurs allemandes à la place du drapeau français. J’éprouvais un sentiment de grande colère contre les lâches qui dénonçaient. Pour moi, l’inacceptable était le fait qu’on ne se défendait pas, la seule possibilité de se défendre était de s’opposer aux occupants par tous les moyens qui se présentaient : Mon caractère un peu frondeur ne choquait pas ma famille qui s’était engagée sans réserve pour le pays sans en connaître l’issue, mais animée d’un grand espoir. (…) Dès l’arrivée des Allemands en Charente, la ligne de démarcation fut installée, et cela à 3kms de la ferme, à Bouëx. Nous nous trouvions donc en zone occupée zone frontalière. Le poste frontière était situé au village de la Petitie sur la route de Marthon. Par la kommandantur de Sers, j’obtenais un laissez-passer. Les communications entre les 2 zones étant interdites, je passais du 
Alcide et Augustine, 
les parents d'Andrée,
montrant l'ancienne 

cache d'armes
dans leur bois aux Forêts
courrier caché dans le guidon de mon vélo ou dans mes vêtements. A la demande des militaires français du poste du Chatelars, je transmettais des plans de la commune de Bouëx avec la situation d’hébergement des troupes d’occupations. Je conduisais clandestinement des familles en zone non occupée : à Vouzan et Marthon. Je fut arrêtée et fouillée deux fois. Durant cette période, jusqu’au mois de novembre 1942, ma vie quotidienne s’organisa dans l’exaltation dont le pôle principal d’attraction était : La Ligne de Démarcation.

Le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) occasionna une autre étape de lutte. Mon frère désigné pour le S.T.O. refusa de se soumettre. Il se cacha avec un collègue dans une vieille maison isolée près de Vouzan. Je leur apportais du ravitaillement en évitant les rencontres indésirables. Le travail de faux papiers commença à cette époque. Un laboratoire de photos fut mis sur pied à la maison. Je faisais les déplacements nécessaires à cette organisation conçue par mon frère. René CHABASSE nous mit en contact avec RISPARD. C’est en 1943 qu’il recruta ma famille et moi-même, pour appartenir à un réseau de résistance. Nous sommes initiés aux règles de la clandestinité. Je fus homologuée agent P2 du B.C.R.A. au service du B.O.A. Mon rôle consistait à assurer les liaisons entre René CHABASSE, notre responsable B.O.A. et différentes personnes sur Angoulême ou les environs. Je devais apprendre par cœur les adresses des personnes à contacter. Une gamine ne pouvant être soupçonnée, des missions m’étaient confiées surtout sur Angoulême : la caisse d’épargne, le magasin prisunic, une personne travaillant aux impôts, une autre à la préfecture, un magasin rue de Beaulieu etc. Toujours en vélo que je déposais à l’entrée d’Angoulême chez un marchand de grain. J’apportais du ravitaillement à un officier anglais et à 2 américains camouflés chez mon oncle à Jard dans la commune de Vouzan.

L’arrivée de Londres du Délégué Militaire Régional Claude BONNIER et de son adjoint Jacques NANCY provoqua un regain d’activités et une clarification dans les missions. Les annonces de parachutages ont suscité la mise en place de nouvelles structures et une organisation plus performante. Il fallait mettre sur pied un certain nombre d’éléments pour recevoir les armes, les cacher et les distribuer. Notre maison était le lieu de rassemblement. Dans ma famille, chacun à son niveau était engagé dans l’action. Après l’arrestation et le suicide de Claude à Bordeaux, J. NANCY regagna la Charente. Il s'installa à la maison pour former des saboteurs.L’assassinat de René CHABASSE par les Allemands, bouleversa notre groupe. La nuit du 21 février 1944, j’allais prévenir sa famille, récupérer tous les papiers compromettants et amener un rescapé du B.O.A. (Charles FRANC) à la maison.

Le lendemain, sur l’ordre de Jacques, je partais très tôt à Angoulême pour avoir des renseignements sur cet événement tragique. Avec prudence et malgré des contacts absents, j’eus la certitude que René était bien mort mais qu’il n’avait pas encore été identifié.

Les contacts avec Londres étant interrompus, les activités du B.O.A. furent mises en sommeil. J. NANCY créa la Section Spéciale de Sabotage (S.S.S.) à la maison qui resta le P.C. et le point de ralliement. Une trahison nous faisant redouter l’arrivée de la Gestapo, le groupe s’installa au Mas de Vouzan, ce lieu ne devait être connu de personne. Je servais d’intermédiaire et d’agent de liaison entre Jacques NANCY, les groupes et les isolés.

Je n’ai pas eu conscience de prendre un engagement mais de faire des choses naturelles et avec enthousiasme.


Andrée Gros-Duruisseau sera arrêtée par la gestapo le 15 mars 1944, emprisonnée à Angoulême puis au fort de Romainville, elle résiste à tous les interrogatoires et sera ensuite déportée en Allemagne au camp de Ravensbrück. Elle retrouvera sa famille le 1er juin 1945.

L'esprit et le coeur trop douloureusement affligés, le corps trop meurtri, elle ne peut exprimer les pensées qui la hantant. Alors elle écrit, très difficilement, incapable de se relire, range ses pages au grenier pour les oublier, les retrouve un jour jaunies par le temps passé, rongées par les souris.

Ensuite devenue épouse Gros et maman de quatre enfants, Andrée a consacré beaucoup de ses forces à aider les déportés et leurs familles.

Elle est très connue et appréciée par les élèves des établissements scolaires de Charente, dans lesquels elle poursuit toujours des séries de conférences sur la Résistance et la Déportation.

Le 11 novembre 2OO7, Andrée Gros-Duruisseau recevait les insignes de commandeur de la Légion d'honneur des mains de son fils, au pied de la statue Carnot à Angoulême. Le 11 novembre 2O12 c'est sous les ors de l'Élysée qu'elle a été élevée au grade de grand officier de la Légion d'honneur, une décoration que détiennent un cercle fermé de 25O Français.

En avril 2O16, Andrée Gros-Duruisseau a été élevée à la dignité de Grand'Croix de l'ordre national du Mérite. La décoration est le plus haut grade de l'ordre national du Mérite.

Aujourd’hui, elle préside l’Association des déportés, internés et familles de disparus de la Charente

Le Cahier - Témoignage d'Andrée Gros-Duruisseau résistante et déportée, édité 2OO8 par la Centre Départemental de Documentation Pédagogique de la Charente (CDDP). Préface de Jean Lapeyre-Mensignac, responsable du B.C.R.A. - B.O.A. Région B et auteur de Nos combats dans l'ombre (1994) et René Chabasse : Héros de la Résistance (1996).


Le Cahier est le témoignage d'une jeune adolescente et écrit en 1945 à son retour de déportation sur un cahier d'écolier que son père lui a donné, c'était sa thérapie.

Je peux vous conseiller vivement de procurer cet excellent ouvrage très émouvant et à mon avis parmi les plus beaux sur la Résistance.

L'auteure raconte son histoire de sa vie clandestine, son arrestation le 15 mars 1944 et puis sa déportation quelques mois plus tard à peine âgée de 18 ans. Elle raconte ses expériences et ses compagnes dans les camps de concentration. "Sans cette solidarité qui nous insuffle, malgré tout, de la force, aucune n'aurait pu survivre et revenir" elle confirme.


Il y a 2O ans en rangeant le grenier familial, elle a retrouvé le journal, les pages étaient jaunis par le temps et rongés par les souris, qu'elle avait écrit à le retour des camps et en 2OO8 elle autorisé l’éditions du CDDP à publier son témoignage.


Avec l'aimable autorisation de l'éditeur CDDP et de l'auteure Andrée Gros-Duruisseau trouvez ci-dessous quelques extraits du livre.


Les réquisitions

Les Allemands passaient régulièrement demander du ravitaillement et invariablement, maman leur répondait : « Nous n'avons rien ». Les produits de la ferme étaient surveillés, mais on arrivait à camoufler le plus possible. Ainsi, plus de poules à picorer dans la cour : nous avions enfermé les volailles dans un verger, derrière la ferme. Malheureusement, il est difficile de faire taire poules et canards et d'empêcher les coqs de chanter ! Je me souviens de ce jour où nous écoutons les émissions de Londres avec maman... La fenêtre est ouverte car il fait beau. Du bruit au dehors attire notre attention... Ce sont des Allemands qui viennent réquisitionner. Nous sommes tétanisées car nous savons parfaitement qu'il est interdit d'écouter les émissions d'Angleterre à la TSF (d'ailleurs, qu'est-ce qui n'est pas interdit !) Que va-t-il nous arriver ? En fait, passant près de la ferme, ils ont été attirées par le « cancanement » d'un canard. Ils sont tellement occupés à le récupérer qu'ils ne semblent pas avoir entendu autre chose ! Quand nous les voyons repartir depuis le fond de notre cuisine, avec le malheureux volatile qui proteste vigoureusement, nous sommes bien soulagées ! 
Les parachutages

Les réceptions de parachutages nécessitaient une organisation rigoureuse : écoute des messages personnels, liaison avec les personnes recrutées, mise sur pied de l'équipe de guet et de surveillance, organisation de la réception et camouflage du matériel.
Le terrain le plus proche se trouvait sur les Chaumes du Luquet, pas loin de notre maison, mais d'autres étaient plus éloignés.

André Chabanne (chef du maquis Bir'Hacheim, basé dans la forêt de Chasseneuil) était venu repérer les caches d'armes. Il y en avait trois : dans une sablière, dans une carrière sur la commune de Garat, dans une fossé au milieu d'un bois. Il n'était pas d'accord, jugeant l'endroit dangereux, trop près de la ferme... Hélas pour lui, la fosse était si bien camouflée qu'il ne l'a pas aperçue et qu'il s'est retrouvé au fond, heureusement sans dommage. Cet épisode a laissé à mon père un souvenir si comique qu'à chaque rencontre avec André, après la guerre, il ne manquait pas de lui rappeler cette chute inattendue. 


Arrêtée par la Gestapo le mercredi 15 mars 1944 à son domicile, aux Forêts près de Bouëx, Andrée est internée à la maison d'arrêt d'Angoulême jusqu'au 2O mai. Malgré tous les interrogatoires subis, elle ne livre aucun renseignement susceptible de compromettre la sécurité de sa famille ou ses compagnes.

Puis en mai, commence alors le terrible parcours de la déportation. Fort de Romainville jusqu'au 6 juin, camp disciplinaire de Neue-Brem situé entre Sarrebruck et Forbach, puis Ravensbruck sous la matricule de 43O69, suivi du kommando de Buchenwald, jusqu'au 14 avril 1945.

Travailler pour la guerre !

Nous sommes dans un Kommando et nous devons travailler pour l'Allemagne. Peut-on concevoir cela !
Certaines d'entre nous tentent d'être positives : « Ils ne veulent pas nous tuer, puisqu'ils vont nous faire travailler ! » (L'usine HASAG produit des munitions, notamment obus de DCA et Panzerfauste).
Le départ au travail s'effectue par rangées de cinq et par groupes d'affectation. Je suis désignée au déblaiement car les usines qui existaient à cet endroit ont été démolies par les bombardements. Munie d'une lourde pioche, je dois arracher des planches dans les ruines.
Nous nous relayons pour les transporter près d'un nouveau bâtiment en construction. Des lattes de bois servent de pont sur d'énormes trous d'obus. Comme il pleut beaucoup, ces trous se remplissent d'eau et je suis terrorisée : ces planches sont rendues très glissantes par l'eau et la boue ; mes sabots, bien trop grands, ne tiennent pas à mes pieds et je trébuche sans cesse. Je me dis : « Si je glisse, je vais tomber et me noyer au fond de ce trou ! »

C'est vraiment très pénible, d'autant plus que j'ai toujours eu peur de l'eau. Je sais parfaitement que si je tombe, personne ne viendra me chercher dans cette eau fangeuse, je serai perdue. Autour de moi, certaines de mes compagnes plaisantent : « Tant mieux, il pleut : cela va nous faire pousser les cheveux ! ».


A l'inauguration du Mémorial de la Résistance de Chasseneuil
en 1951 le Président de la Rubrique Vincent Auriol décore
(de gauche à droite)
Victor Bouyat, ancien du maquis Bir'Hacheim
Alcide Duruisseau "le père Duruisseau"
Albert Deslias, ancien résistant de Chasseneuil


Après la libération des camps en avril 1945 c'est le chemin long pour rejoindre la France. Dans la nuit du 31 mai au 1 juin Andrée prend un train pour Angoulême.
Extrait du chapitre Le retour
Nous approchons d'Angoulême. Toutes ces lumières sur le plateau. Je ne me sens pas le courage de rentrer à la maison, si toutefois elle est encore debout ! Le sinistre Alfred (Alfred Winnewisser « Monsieur Alfred ») m'avait bien avertie qu'il la ferait brûler puisque je ne voulais parler ! Sa voix résonne dans ma tête : « Votre maison ne sera plus qu'un amas de cendres et de ruines ! »...


Nous sommes très près de la gare. Un déporté me tape sur l'épaule et me dit : « Votre Angoulême, Andrée ! Mais, ma parole, vous êtes plus triste que si on vous emmenait à la
guillotine ! Auriez-vous honte de renter chez vous ? ».

Cette simple phrase a le don de me faire réagir. Ah non, je n'ai pas honte et je vais pouvoir leur dire que je n'ai parlé et leur montrer que j'ai tenu le coup !

Cette fois le train s'arrête et il m'est difficile de mettre un pied devant l'autre ! Enfin, je prends m'a couverture et mon petit baluchon, on me pousse. En bas, personne ne m'attend et je me sens bien seule, un peu comme un orpheline. Soudain, mon cousin se précipite vers moi et me dit : « Ta maman est là, ta soeur ». Je n'arrive pas à réaliser. C'est pourtant un moment inoubliable : j'aperçois ma mère, en larmes, qui court vers moi mais je remarque aussitôt qu'elle porte un grand voile noir sur son chapeau... Ma soeur... Je suis serrée, tirée, d'un côté, de l'autre. Elles pleurent, elles rient.


Vidéo de la rencontre avec Mme Andrée Gros-Duruisseau à la Librairie Cosmopolite d'Angoulême le 17 juin 2O16 (lien)




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